Intervention de Bahjat RIZK lors de Rencontre Débat 3V avec M. le Président Michel Sleiman
Monsieur le Président,
La question identitaire et du pluralisme culturel est aujourd’hui au cœur de la mondialisation et touche sans distinction toutes les sociétés. Elle fut dès sa création au cœur de la problématique Libanaise et autant au niveau planétaire qu’au niveau national libanais, elle n’est toujours pas résolue.
Nous savons aujourd’hui que ce qui est culturel est politique et que tous les conflits politiques à travers le temps et l’espace, sont des conflits culturels au sens large du terme. Donc pour asseoir un système politique viable, il faudrait avoir défini l’identité : la conception et la vision précédant l’action.
Certes il n’y a pas d’identité figée mais un processus d’identification qui s’établit autour de paramètres constants identifiés par Hérodote, le père de l’Histoire 500 ans avant Jésus Christ, à savoir la langue, la religion, les mœurs et la race. Toute société pluriculturelle doit négocier en son sein ces quatre paramètres, de manière à mettre en avant les éléments convergents et transformer les éléments divergents en valeur ajoutée, dans le cadre d’une société préservée et ouverte, tendant autant que faire se peut, vers un humanisme universel.
Avant de négocier le système politique et afin d’éviter qu’il ne se transforme en répartition opportuniste des droits et démission des devoirs, autrement dit en un système cloisonné, répétitif et peu évolutif, il faudrait au préalable définir l’identité, en négociant les paramètres et les priorités.
J’avais moi-même modestement entrepris, depuis plus de 15 ans, un travail continu à ce sujet, en publiant un petit livre l’Identité pluriculturelle libanaise, destiné au sommet de la Francophonie au Liban sur le dialogue des cultures, et qui fut remis de 2001 à 2002 après le 11 septembre. J’avais par la suite enchaîné par les paramètres d’Hérodote, dont je vous avais remis symboliquement la toute première copie, quand vous avez bien voulu, me recevoir au palais présidentiel en mai 2009, travail qui a été repris par le rapport mondial de l’Unesco.
Toutefois monsieur le président le discours d’un intellectuel a peu de poids dans la société libanaise, à moins qu’il ne soit adopté par un décideur politique.
Pensez-vous monsieur le président que parallèlement au dialogue de sourds des politiques qui n’a pas abouti (car chacun d’eux défend les intérêts de sa communauté ou les siens propres) ne devrait il pas y avoir un dialogue des intellectuels libanais, qui se charge de définir pour tous objectivement, la spécificité libanaise dans ses fondements, afin d’établir une société plurielle, cohérente, solidaire et durable ? Ne pensez vous pas qu’il y a un manquement flagrant, au niveau de la classe dirigeante politique, qui idéologise et instrumentalise le discours identitaire à ses propres fins et comment faire pour que le débat identitaire, incontournable dans une société pluriculturelle, redevienne rationnel, constructif et serein ?
Autrement dit monsieur le président, au-delà de la géopolitique variable et pragmatique et de la philosophie politique abstraite et idéaliste, pensez vous qu’il y a une troisième voix pour que des intellectuels de bonne foi ,puissent débattre de la question identitaire, sans sombrer ni dans un déni des conflits culturels ni dans leur exacerbation mais plutôt dans l’élaboration et l’intériorisation ,d’un cadre référentiel clair et non ambigu, à partir duquel on pourrait alors, définir un système politique opérationnel et stable et non dysfonctionnel et sur mesure, qui unifie les libanais tout en respectant les droits des communautés et des individus.
Quelle place avez-vous donné vous-même au dialogue et au débat des intellectuels et quelle place souhaiteriez vous qu’ils conservent ou acquièrent à l’avenir ?
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