INTERVENTION DE MADAME SHERINE AUDI
DIRECTEUR GENERAL DE BANK AUDI FRANCE
AU FORUM DES EXPERTS LIBANAIS
« L’impact réglementaire sur la Banque à taille humaine »
Je suis donc ici en qualité de représentant de BANK AUDI France, qui est la filiale française du Groupe bancaire libanais BANK AUDI SAL.
Premier groupe bancaire au Liban, avec à fin 2015 :
- 42,2 milliards de dollars d’actifs, dont 35,6 milliards de dépôts clients) ;
- 403 millions de dollars de bénéfice net consolidé ;
- et 3,3 milliards de dollars de fonds propres.
Le Groupe AUDI est également implanté historiquement en Suisse et, plus récemment, en Syrie, en Jordanie, en Egypte, au Soudan, en Arabie Saoudite, au Qatar, dans les Emirats Arabes Unis et en Turquie.
Le Groupe AUDI offre à sa clientèle une gamme complète de services qui vont de la banque commerciale et d’entreprise aux opérations sur les marchés de capitaux, en passant par la banque de détail, la banque privée et l’assurance.
BANK AUDI FRANCE qui est installée à Paris depuis mai 1979, est la vitrine du Groupe AUDI en France et jouit à ce titre de la confiance des Autorités qui nous ont accueillis.
Cette double responsabilité nous commande notamment d’être irréprochables dans notre respect de la réglementation qui s’applique aux banques en France.
Dans son activité, BANK AUDI FRANCE respecte non seulement la réglementation bancaire en France mais aussi des réglementations bancaires étrangères.
La réglementation bancaire en France, dont les sources sont françaises et européennes, embrasse l’ensemble des activités des établissements de crédit. Il s’agit d’une réglementation nombreuse et détaillée.
Viennent s’ajouter à cette réglementation bancaire locale,
- d’une part, très marginalement, quelques dispositions de la réglementation bancaire libanaise pour ce qui nous concerne, et ;
- d’autre part, certaines dispositions de la réglementation bancaire américaine, principalement en matière d’embargo.
La réglementation est évolutive et le foisonnement de textes nécessite un suivi attentif des règlementations nouvelles. La Banque a ainsi mis en place, comme toutes les banques, un dispositif spécifique de veille réglementaire.
Plutôt que de vous présenter de manière complète, et donc lourde et rébarbative, l’ensemble de ces règlementations complexes, je vous propose d’illustrer mes propos par un exemple reprenant à peu près les principales obligations qui naissent à l’occasion d’une opération bancaire.
Un exemple détaillé pourra en effet vous permettre de vous mettre, l’espace d’un instant, dans la « peau de votre banquier », et comprendre pourquoi, diable, celui-ci vous harcèle-t-il de questions désagréables alors que vous souhaitez simplement réaliser une opération des plus banales…
Prenons donc pour exemple une opération d’import-export de cigares fabriqués en Espagne, entre une société française, négociant et exportateur, et une société égyptienne, importateur du produit.
Pour régler le prix de la transaction, qui est, disons, de 1.million de US dollar, la société égyptienne demande à Bank Audi France d’émettre une lettre de crédit en faveur du vendeur français.
L’opération semble banale en apparence, pour la Banque et pour son client.
Sur le plan réglementaire, elle est complexe car elle impose de nombreuses contraintes protectrices, non seulement pour le client mais essentiellement pour la Banque.
La Banque va devoir, pour mener à bien cette opération :
1ère vérification :
Dans un premier temps, la Banque va vérifier la conformité de l’opération par rapport aux ratios imposés par l’ACPR et destinée à s’assurer que la Banque s’engage dans la limite des risques autorisés.
Chaque banque se voit en effet imposer par la réglementation, ou par les autorités de tutelle, des ratios quant aux risques qu’elle peut prendre avant d’engager quelques opérations que ce soit (il s’agit des ratios de solvabilité et de liquidité essentiellement).
2ème vérification :
Phase KYC ou Know your customer
La banque, avant de se lancer dans une relation d’affaires ou même une simple opération, doit s’assurer qu’elle connait son client et la réalité de ses activités économiques.
La règle est que les opérations que nous confient nos clients doivent être en harmonie avec leurs activités. Toute opération qui sort de ce cadre doit être réexaminée, justifiée, documentée, et le client éventuellement interrogé.
Lorsque le client est une personne morale, cette connaissance s’étend à ses bénéficiaires effectifs, c’est-à-dire les principaux actionnaires personnes physiques, et ses dirigeants.
Ces vérifications visent principalement à éviter la participation à des opérations de blanchiment ou de financement d’entreprises terroristes.
La qualité de l’investigation protègera évidemment la Banque, qui se doit en effet de préserver son image et, pour ce faire, d’être particulièrement vigilante.
Mais elle protège également le client contre une participation involontaire, à son insu, à une opération douteuse.
3ème vérification :
Une fois le client identifié comme réel opérateur économique, la Banque devra vérifier qu’il n’est soumis à aucune sanction nationale ou internationale.
En effet, certains pays ou leurs ressortissants, notamment du Moyen-Orient, sont l’objet de sanctions économiques et, ou, financières
Tant la France que l’Union européenne que les Etats Unis publient ainsi des listes d’entités et de personnes physiques avec lesquelles les relations financières et commerciales sont étroitement encadrées : leurs avoirs sont gelés et les transferts sont interdits pour la plupart.
Ces vérifications sont essentielles ; elles sont complexes à mener (en raison par exemple de l’existence d’homonymes), même si les listes informatisées aident à la détection des opérations.
Dans notre exemple d’import-export de cigares, aucune des contreparties n’est soumise à des mesures de sanctions en France, dans l’Union Européenne ou aux Etats-Unis.
Si les résultats de ces contrôles sont satisfaisants pour la Banque, pourquoi ne procéderait-elle pas à la transaction ?
En réalité, la Banque n’en a pas terminé avec le processus.
4ème vérification :
La Banque doit également s’assurer que les produits qui sont l’objet de la transaction ne sont pas visés par des réglementations qui interdiraient leur exportation, par exemple, s’ils sont à double usage, c’est-à-dire susceptibles d’être utilisés à des fins civiles et militaires.
Les règles européennes n’interdisent heureusement pas l’import / export de cigares, et personne n’a encore réussi à en utiliser à des fins militaires…
Alors la Banque peut-elle enfin procéder à la transaction demandée par son client ?
Non, elle doit encore s’assurer que celle-ci est conforme à la réglementation américaine.
5ème vérification :
En effet, la transaction est dénommée en dollars, et elle impliquera à ce titre des correspondants bancaires aux Etats-Unis.
Or, la Banque se doit d’assurer à ses correspondants que l’opération en devise américaine qu’elle sollicite n’est pas contraire à la réglementation américaine.
Dans notre cas, ni l’acheteur égyptien, ni le vendeur français, ne sont sous sanction aux Etats Unis.
Mais l’objet de la transaction, le cigare, pourrait l’être. Le cigare pourrait en effet être fabriqué en Espagne, mais à partir de graines importées de Cuba. Si tel était le cas, l’opération violerait l’embargo américain sur Cuba.
Voici donc pourquoi une opération entre un exportateur français et un importateur égyptien, effectuée par une banque française et portant sur un produit fabriqué en Espagne, ne sera pas réalisée en raison de la devise de la transaction, le dollar, qui entraîne l’application de la réglementation américaine.
Je ne pourrai clore ce bref rappel des réglementations de source française, européenne et libanaise, qui concernent BANK AUDI FRANCE, sans mentionner la réglementation américaine.
FATCA est une réglementation américaine décidée au lendemain du scandale UBS pour lutter contre la fraude fiscale aux Etats-Unis.
Cette réglementation s’applique aux banques non-américaines pour détecter les avoirs qui n’auraient pas été déclarés au fisc des Etats-Unis par des citoyens ou des résidents américains.
Ainsi, toutes les banques doivent désormais systématiquement analyser leur portefeuille clientèle pour s’assurer qu’elles n’abritent pas des fonds appartenant directement, ou indirectement, à des citoyens ou des résidents américains, et les déclarer aux autorités fiscales américaines lorsque c’est le cas.
L’intérêt de ce dispositif a d’ailleurs conduit plus de 60 autres pays (dont ceux de l’Union Européenne) à le répliquer au travers du « Common Reporting Standard » de l’OCDE.
Pour la mise en œuvre de ces nouvelles normes, progressivement applicables à compter de l’année 2017, les établissements devront désormais analyser leur portefeuille clientèle pour détecter les comptes des résidents de ces 60 pays, qui seront ensuite déclarés à leurs autorités fiscales respectives.
Ainsi, à titre d’exemple, le compte d’un résident Italien ouvert en Espagne sera déclaré aux autorités fiscales italiennes, et le compte d’un résident français ouvert en Belgique sera systématiquement déclaré au fisc français. Etc.
* * *
Je terminerai par une réflexion d’ensemble sur les réglementations qui s’appliquent à nous.
Ces réglementations sont nombreuses. Elles nécessitent des efforts constants en vue de leur application, tant du point de vue de l’esprit que de la lettre.
On peut les considérer comme une contrainte.
Je préfère pour ma part voir en elles une aide à la gestion.
Au-delà de leur aspect légal, et donc de l’obligation de les respecter, elles fournissent un cadre au sein duquel nous pouvons développer notre activité en étant assuré que celle-ci demeure pleinement maîtrisée.
Fondamentalement, elles sont destinées à protéger tant nos clients que la Banque.
L’intervention des autorités de contrôle et de tutelle est le gage de leur respect et donc de la confiance que les opérateurs peuvent placer dans le système bancaire.