Grand reporter qui dénonça la torture durant la guerre d’Algérie, prix Interallié en 1983 avec « Maria Vandamme », Jacques Duquesne était issu d’un milieu modeste de la basse-ville de Dunkerque. Président de l’association du Bateau feu de Dunkerque, scène nationale, de 1991 à 2016, Jacques Duquesne s’est éteint le 5 juillet à Paris à l’âge de 93 ans.
D’origine modeste, lors d’un portrait tourné en 1994 dans la basse-ville de Dunkerque en sa présence, Jacques Duquesne s’était étonné de la petite taille de sa maison familiale, se souvient Bruno Vouters, journaliste qui avait co-signé le document télé.
Lors de ce reportage, Jacques Duquesne avait tenu à faire une séquence sur la plage, à marée basse. La plage de l’opération Dynamo, en 1940, où il avait vécu à 10 ans. « Il avait été pronfondément marqué par cette période », lui qui se questionnera plus tard sur l’origine du mal sur terre, « et notamment par la destruction de la ville par les bombardements, mais aussi par l’envie de vivre à nouveau de la population. Il avait été marqué en 1945, à 15 ans, par le spectacle de désolation qu’offrait à voir Dunkerque, puis autant marqué par les premières éditions du Carnaval après guerre », explique Bruno Vouters.
Plus tard, dans ses bureaux parisiens, à chaque entrevue avec Bruno Vouters, Jacques Duquesne demandait des nouvelles. De la région d’abord, de Dunkerque ensuite et le même refrain revenait systématiquement: « Sais-tu où est Dunkerque Bruno ? » « À 70 km de Lille, sur la Mer du Nord ». Et Jacques Duquesne répondait : « Non, c’est par là ! », et il montrait la direction depuis une fenêtre de son bureau.
Attaché à sa terre natale
Attaché à sa région natale, il était également président d’une association des journalistes du Nord à Paris. « Il se démenait pour que Line Renaud, Jean Piat, Annie Cordy, Fred Personne… soient présents et ça rigolait avec des sketchs plus ou moins improvisés, ça chantait à l’occasion de la fête annuelle à la Saint-Nicolas ».
« Passionné par l’actualité, l’histoire… Il pensait que l’on ne se connaît pas si l’on ne connaît pas son histoire, l’histoire de sa famille, de sa ville », explique Bruno Vouters à propos de celui qui a passé sa vie à essayer de comprendre le monde.
Catholique, « il pensait que c’était à l’homme d’achever la création de Dieu sous une forme harmonieuse », et était critique envers sa religion. Sa biographie de Jésus, en 1994, créa la polémique.
Jean-Paul Noël, directeur du Bateau Feu de 1990 à 2006, a connu pas mal de conseils d’administration avec Jacques Duquesne (président de la même structure de 1991 à 2016). Il se souvient d’un homme « sociable, aimable » qui connaissait tout le monde au Bateau feu et avec qui il a été « très proche ».
« Chrétien critique »
« Sur la partie artistique, on était sur la même ligne, il regardait les chiffres de fréquentation mais pas que, il faisait attention à ce que la programmation ne touche pas qu’un public riche et cultivé. On a des subventions publiques, quand même ! Ainsi on a vite programmé du hip hop au Bateau feu », se souvient Jean-Paul Noël.
Devenu parisien, il n’était forcément pas à tous les spectacles, « mais son engagement était bien là ». De caractère ? L’homme « ne mâchait pas ses mots », « il avait une grande humanité et savait raconter : je ne me suis jamais ennuyé avec lui. Un grand, grand bonhomme. C’était un homme engagé, ses écrits contre la violence et les tortures en Algérie en témoignent et un chrétien disons, critique ».
Selon Jean-Paul Noël, Jacques Duquesne, lui dont le papa était un modeste policier municipal dans la basse-ville de Dunkerque, avait été marqué après l’obtention du baccalauréat par le décalage, le « gouffre » entre sa vie et celles des étudiants de Sciences Po Paris.
Malade à la fin de sa vie, Jacques Duquesne ne pouvait plus écrire et cela le peinait beaucoup. Il est décédé à 93 ans, le 5 juillet 2023.
Ses obsèques auront lieu le jeudi 13 juillet à 9h45, en l’église Saint-Séverin à Paris, dans le 5e arrondissement.