Colloque
« Les clés de votre succès à l’International avec vos Partenaires d’Excellence»
au Sénat français le 24 mars 2016
Organisé par le Forum des Experts Libanais
« Entre la théorie et la pratique How to make the différence dans le vaste monde du Commerce International ? »
LES CLES DE VOTRE SUCCES A L’INTERNATIONAL AVEC VOS PARTENAIRES D’EXCELLENCE
Farid ARACTINGI
1.1 INTRODUCTION
Nada Chéhab, héritière d’un nom ô combien prestigieux au Liban, s’est donné une belle mission à Paris : convaincre nos parties prenantes que nous autres, professionnels Libanais, sommes des partenaires d’excellence. Parmi les nombreux experts réunis par son entregent, j’ai choisi d’analyser nos carences avant de me demander si nous avons appris à les contourner, et quelle énergie cela peut nous donner.
1.2 PEUT-ON NOUS FAIRE CONFIANCE ?
Les Libanais qui ont connu leur pays avant 1975 ont tendance à croire qu’ils vivaient dans le plus beau pays du monde. Vraiment le plus beau ? Mais comment une minuscule bordure maritime, grande comme deux départements français, pourrait-elle rivaliser avec les merveilles accumulées dans les prestigieux pays d’Europe ? Peut-être un simple effet de nostalgie du temps passé ? Le Liban est une montagne tricolore, blanche parce que couverte de neige, bleue parce que jouissant d’un ciel limpide, et verte parce tapissée de pins parasol. Une montagne bordée par la mer, ce qui permet de changer de paysage en moins d’une heure. Une cité jardin pour capitale, jouissant d’une architecture mariant les arcades, la pierre sablée, la tuile rouge, le jasmin et le citronnier. Mais plus que cela, le Liban est une rencontre exceptionnelle entre les lumières d’Orient et la raison d’Occident. Voici le Liban. Voici mon Liban et celui de ma génération. Vous avez constaté que j’ai employé le présent pour décrire le Liban. En fait, c’était le passé. La guerre a tout détruit, d’abord les hommes, ensuite les immeubles, enfin les âmes. Ceux qui ont perdu la guerre ont cru qu’ils avaient aussi perdu leur pays, et qu’il convenait désormais de le mettre en coupe réglée, n’étant plus eux-mêmes que des voyageurs sans bagages sur la terre de leurs ancêtres. Ceux qui ont gagné la guerre ont cru qu’ils étaient devenus les rois de l’univers, et que la royauté ne se mesure qu’à l’aune de l’argent abondant, or il est d’autant plus abondant qu’il est facile. D’autant plus facile qu’il est corrupteur. C’est ainsi que le Liban est devenu un navire ingouvernable, incapable d’élire un Président de la république, incapable de trier, ramasser et recycler ses poubelles, incapable d’exploiter le pétrole de son littoral, incapable de mettre en valeur son patrimoine et de préserver son urbanisme, incapable de restaurer ses infrastructures. C’est ainsi que les Libanais ont démontré, au cours des quarante dernières années, leur manque d’intelligence collective. C’est de la nôtre qu’il s’agit, hélas. Comme vous le constatez, nous avons raté le virage de la modernité. Nous avons blessé notre pays. Nous avons collectivement échoué. Sommes-nous encore de confiance ? Peut-on nouer des partenariats avec nous ?
1.3 ET QU’Y A-T-IL A GAGNER ?
La question est en effet légitime, puisque nous avons échoué lamentablement, collectivement, tous ensemble. Mais nous avons profité de ce terrible échec pour rebondir ailleurs. Les banques, déjà dynamiques à Beyrouth, se sont déployées en Europe et dans tous les pays du Moyen Orient. Des armateurs qui se sentaient à l’étroit au Liban, se sont installés de l’autre côté de la Méditerranée. Les services informatiques en recherche de clients se sont développés à Paris. Des importateurs de produits de grande distribution ont essaimé leur savoir faire dans toute la région MENA. De grands couturiers ont désormais pignon sur rue dans le Carré d’or. Tous ont bâti de belles signatures, parfois de véritables empires industriels. Et puis vint le temps des individus – hommes et femmes bien entendu. Ingénieurs, médecins, avocats, commerçants, financiers, chefs de projet, consultants, auditeurs. Dirigeants d’entreprise. Nos élites ont quitté le pays et ont essaimé dans le vaste monde, devenu leur nouveau terrain de jeu. Qu’ils aient été formés à Beyrouth ou dans les plus prestigieuses universités d’Occident, ils sont allés à Paris, Londres, Genève, New York, Montréal, Sao Paulo, Buenos Aires, Mexico. Ils sont venus au Caire, Damas, Dubaï, Djeddah. Ils se sont Management meetings / Célébrations / Lancements / Allocations Allocutions FA – Professionnel.docx Page 2 / 2 25/03/2016 reconvertis à Tokyo, Singapour, Hong Kong, Shanghai. Ils ont émigré partout. Ils sont devenus citoyens de l’univers, pour paraphraser l’un des plus célèbres d’entre eux. L’immigration libanaise au XIX° siècle, et jusqu’en 1919, était due à la faim. L’immigration post 1975 est mue par la honte et l’ambition. La honte de l’échec collectif, et l’ambition du succès. Ce n’est pas une simple soif de revanche, semblable à celle de certains pays asiatiques qui veulent démontrer à l’ancienne puissance colonisatrice qu’ils peuvent eux aussi construire des voitures. C’est une ambition au sens le plus noble, le désir de réussir dans un cadre civilisationnel compatible.
1.4 QUELQUES CARACTERISTIQUES BIEN COMMODES
Car ce que peuvent apporter les professionnels libanais tient en trois caractéristiques principales. Tout d’abord une véritable expertise technique : quelle que soit la discipline considérée – sciences de l’ingénieur, droit des affaires, médecine, marketing, technologies, finances, art culinaire –, les Libanais ont à coeur de démontrer qu’ils en sont des experts, alors qu’ils ne peuvent pas l’exercer dans leur patrie d’origine. Je dirai même plus : le manque de reconnaissance de leur excellence opérationnelle au Liban décuple leur motivation à l’exercer sans complexe ni arrogance partout ailleurs. Ensuite une méthodologie éprouvée, fondée sur ce qu’on appelle les compétences molles : la communication orale et écrite, la flexibilité, la pertinacité et la qualité du réseau. Chacun de ces points mérite un grand développement, et je serai prêt à y revenir pendant le débat : ils sont le coeur de nos talents distinctifs. Enfin, la compatibilité culturelle. Le Libanais ne cultive jamais une mentalité de diaspora, et certains pourraient d’ailleurs le déplorer : au contraire, il est partout chez lui (I’m a local anywhere) et adopte avec enthousiasme la civilisation qu’il a choisie.
1.5 CONCLUSION
C’est d’ailleurs, en guise de conclusion, un élément essentiel : nous ne sommes pas nés en France par hasard, et n’éprouvons pas à son égard la mentalité blasée, voire rebelle, d’autres groupes humains – si tant est qu’il faille catégoriser les hommes. Nous avons choisi la France, comme nous avons choisi l’Europe, par amour. Ayant été contraints de quitter le Liban à notre génération ou celle de nos parents, nous aurions pu choisir Boston ou bien Abou Dhabi. C’est en France, ou dans d’autres pays semblables d’Europe occidentale, que nous nous sommes arrêtés. Par pour bénéficier de son état providence, mais par adhésion à son projet culturel, économique et politique. Nous ne sommes pas des mercenaires mais des chercheurs de cohérence. Cette troisième dimension transforme nos atouts objectifs en leur donnant un supplément d’âme.
Farid ARACTINGI
Renault – IFACI
Directeur de l’Audit, de la Maîtrise des Risques et de l’Organisation de Renault
Président,Renault Consulting
Président de l’Institut Français de l’Audit et du Contrôle Internes (IFACI)